Passés sur le blog de My Major Company (MMC), site participatif d'édition, pour soutenir le projet de Guillaume Bailly, talentueux auteur du blog Requiem 29 (dont j'ai déjà parlé), j'ai atterri sur le concours organisé par ce site et dont l'énoncé était :
Qu'est-ce qu'un NO LIFE pour vous ?
Voici ma réponse :
Etre un no life man, c’est choisir le monde dans lequel vivre, sentir et ressentir, un monde virtuel dans lequel règnent amour et compréhension à son égard et dont il connaît les règles -puisque c’est lui qui les crée, ou tout au moins les accepte en toute connaissance de cause.
D’ailleurs, il peut en changer facilement s’il le désire, et ainsi vivre dans le monde parfait correspondant à ses attentes du moment, loin des tracas et du stress qui lui sont imposés par la réalité et ses pressions continuelles.
Et il vous dira que, qui sait si les autres personnes non câblées ne vivent-elles pas elles-mêmes dans le monde imaginé par quelqu’un d’autre ?
Car qu’est ce que la réalité sinon un codage des stimuli reçus par notre corps par nos sens et notre cerveau ?
Et en ce sens, pourquoi qualifier son « other life » de « no life », puisque pour lui, sa vie est aussi riche, variée, et pleine de contacts humains que la vôtre ?
Seulement sa réalité est virtuelle, et seul son cerveau y participe, laissant de côté son corps -parfois jusqu’à la mort.
A quand l’émergence d’une nouvelle religion dont les adeptes seront reliés à un ordinateur pour vivre 24h sur 24 dans leur monde virtuel, alors que les servants s’occuperont des corps de ces nouveaux ermites, prêts à communier sur un autre plan ?
Pour ma défense (;o)), je pourrais vous dire que j'ai moi-même un otaku (ado branché sur son ordi toute la journée) à la maison en la personne de fiston, avec lequel j'ai eu quelques conversations très intéressantes sur ce thème que je connaîs bien, étant passionnée de SF, notamment de cyberpunk (on est en plein dedans, là...).
Alors... ont-ils réellement tort de vouloir vivre une vie rêvée ?
Certes, ils laissent ainsi de côté leur corps et ses contingences matérielles, ainsi que la Vie telle que nous la concevons, faite d'évènements sur lequels nous n'avons que peu de prise (et encore.. mais c'est une autre problématique qui n'a pas sa place ici) et qui nous apporte joies et peines.
Mais lorsque l'on analyse leur motivation, n'est-ce pas ce que nous recherchons tous au fond de nous ?
Le BONHEUR ?
Mais nous avons accepté, fruit de notre éducation (surtout religieuse) que celui-ci était (obligatoirement) assorti de beaucoup de peines et d'obstacles, d'où notre fuite, à nous aussi les adultes, dans des paradis artificiels.
Mais au lieu d'être cybernétiques, ils sont tout simplement chimiques : il n'y a qu'à regarder la consommation des benzodiazépines et autres anti-dépresseurs, sans parler de l'alcool, du tabac et autres drogues légales ou pas.
Et n'est-ce pas une autre manière pour nous de fuir la réalité que de nous plonger dans des émissions télé abêtissantes et abrutissantes, dans internet (n'est-ce pas, vous qui me lisez ?), ou encore dans la lecture de livres qui nous déconnectent de la réalité ?
Alors, à tous ceux qui les vilipendent au lieu d'essayer de les comprendre, je pose la question :
"Ne font-ils pas, tous ces jeunes (et moins jeunes) qui se réfugient dans des univers imaginaires, ce que vous recherchez vous-même ?"
Et ils y réussissent mieux que vous et moi. Ne serait-ce la cause réelle de ce rejet à leur égard ?
Et si la solution était de les y rejoindre, pour (enfin !) vivre ensemble -et en paix- de belles aventures ?
Quelque part, n'est-ce pas l'utopie ultime ?
Car, quel intêret de passer des heures à travailler pour gagner de l'argent pour payer des loisirs pour profiter de la vie ?
C'est en réalité une fuite en avant, déjà dénoncée par nombre de philosophes !
Ici, c'est le stade ultime du "vivez pauvre pour vivre heureux", puisque l'otaku est définitivement éloigné de toute contigence matérielle.
Trop, peut-être, en effet, puisqu'il peut aller jusqu'à en oublier de se nourrir, se laver, dormir... pris, qu'il est, par son implication dans des aventures palpitantes qui le font se sentir plein de vie.
Certes, ses proches en souffrent (moi la première), ne comprenant ni n'acceptant son refus de partager "notre" réalité et désespérant de ce renfermement.
Peut-être qu'une mutation profonde de la société est en marche, les richesses intellectuelles (ou virtuelles) devenant aux yeux de ces jeunes hommes et femmes plus importantes que les richesses réelles de la vie elle-même.
Quoique, dans des univers virtuels tels Second life, double de notre société, les grandes marques se positionnent déjà.
Il faut d'ailleurs noter que la population masculine est beauxcoup plus touchée : peut-être parce que nous autres femmes sommes plus ancrées, de par notre corps même, à la réalité par ce besoin de reproduction qui est le gage de survie d'une espèce.
Car, à moins d'inventer des matrices de remplacement, notre espèce risque de péricliter si hommes et femmes décident de plus en plus de vivre virtuellement.
Quoique ce problème ne touche que nos sociétés riches.
Alors, ne pourrait-ce être la aussi un mode de sélection naturel ?
Seul, l'avenir nous le dira....
Illustration du site "second life" provenant de FlickR